Gestion des trinquets Guynemer : la convention passée par la mairie avec le Pilotari Club est-elle bien légale ?


La République du 30 avril nous apprend que la mairie vient de conclure une convention avec le Pilotari Club Oloronais (PCO) en vue de la gestion des trinquets Guynemer. Oloronblog a déjà eu l’occasion de s’interroger ici sur les conditions selon lesquelles cette convention s’apprêtait à être passée. Ces conditions étaient-elles bien légales ? Aujourd’hui, à la lecture de l’article du quotidien, mes interrogations persistent et ont même plutôt tendance à se renforcer.

D’entrée de jeu, que les choses soient claires : le blogueur n’a rien contre le PCO ni contre ses dirigeants qui ont su faire de leur club l’une des associations sportives phare de la ville. Il n’a rien non plus contre l’élu signataire du document qui a sans doute été mal conseillé. Par ailleurs, il ne trouverait rien d’anormal non plus à ce que le PCO se voie confiée la gestion des trinquets. Encore faut-il que ce soit au terme d’une procédure qui respecte parfaitement la loi, qui exclut tout favoritisme. Et c’est là que, me semble-t-il, le bât blesse. Explications.

Une absence de mise en concurrence pourtant obligatoire

La convention conclue entre la ville et le PCO est une convention d’autorisation d’occupation du domaine public. Comme on le verra un peu plus loin, le choix de ce type de convention me paraît discutable dans le cas présent. Oublions pour l’heure cet aspect des choses. Que vise cet accord ? À confier la gestion du complexe Guynemer au PCO. Il reviendra au PCO de fixer les tarifs de location et d’encaisser pour son compte les heures de mise à disposition des lieux aux pratiquants non membres de l’association. En dehors des créneaux horaires qui lui sont réservés en propre, le PCO utilisera donc le complexe en vue d’une exploitation économique.

Que dit la loi ? L’article L 2122-1-1 du Code général de la propriété des personnes publiques est très clair : « Sauf dispositions législatives contraires, lorsque le titre mentionné à l’article L. 2122-1 permet à son titulaire d’occuper ou d’utiliser le domaine public en vue d’une exploitation économique, l’autorité compétente organise librement une procédure de sélection préalable présentant toutes les garanties d’impartialité et de transparence, et comportant des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester. »

Or dans le cas présent, la convention a été conclue sans qu’ait été organisée au préalable par la commune une procédure présentant toutes les garanties d’impartialité et de transparence et permettant à tous les candidats potentiels de se manifester. La mairie se place en quelque sorte dans la même situation que lors de la vente du camping municipal où, faute d’avoir organisé dans un premier temps une mise en concurrence, elle avait été invitée par Monsieur le sous-préfet à revoir sa copie.

Un défaut de recours à la procédure de délégation de service public qui semble pourtant évident

La gestion des trinquets de Guynemer s’effectuait jusqu’à présent dans le cadre d’une délégation de service public (DSP). Qu’est-ce qui explique que, tout à coup, on adopte une nouvelle formule avec cette autorisation d’occupation du domaine public qui donne toute liberté au gestionnaire tout en le libérant du maximum d’obligations à l’égard de la ville ? Alors que, dans le même temps, la base de loisirs de Soeix continue, elle, d’être gérée en DSP par une association ?

Au contraire d’une convention d’occupation du domaine public, que le maire a pouvoir de signer seul, la DSP implique une procédure qui concerne deux autres instances : 1/ la commission consultative des services publics locaux, dont l’avis est obligatoire 2/ le conseil municipal, qui doit approuver le « cahier des charges  » du contrat à conclure. Ces différents filtres limitent d’autant les risques d’erreur.

Que dit la loi ? L’article L 1411-1 du Code général des collectivités territoriales dit en sa première phrase : « Une délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service. ». Nous sommes à l’évidence dans cette situation. La convention conclue samedi pourrait donc être requalifiée par le juge en délégation de service public.

Un PCO manifestement « transparent » 

La commune a donc décidé de confier la gestion des trinquets Guynemer au PCO. Mais l’article de La République nous apprend que le PCO a décidé de choisir un prestataire extérieur pour gérer les créneaux de réservations et les relations avec les abonnés. Un prestataire qui sera payé au prorata des recettes engrangées. Question : à quoi sert-il de charger de la gestion à quelqu’un qui devient transparent puisqu’il se décharge aussitôt du principal de la tâche pour la confier à quelqu’un d’autre ? N’eut-il pas été plus simple pour la mairie de traiter directement avec ce prestataire extérieur qui aurait été responsable devant elle ? N’est-ce pas, en réalité, un moyen de contourner l’obligation de recourir à une délégation de service public ?

Et bien d’autres questions….

Faute d’avoir sous les yeux le texte exact de la convention signée samedi, il faut se contenter des informations qui ont filtré dans la presse. Mais, si la réglementation est respectée, cette convention entre le PCO et la ville doit être affichée. Trouvera-t-on dans le document officiel ou dans ses annexes :

  • le détail précis des prestations exigées du PCO en sa qualité de gestionnaire du complexe sportif Guynemer
  • les modalités de contrôle par la commune de la gestion du PCO
  • l’autorisation (ou l’interdiction) pour le PCO de « valoriser » (= accueillir des pratiquants payants) durant les créneaux horaires réservés à l’association
  • un budget prévisionnel de l’exploitation
  • une définition détaillée de la « maintenance » qui sera assurée par la commune
  • un détail des « frais d’entretien » dont la commune supportera la charge durant la première année d’exploitation
  • l’indication que les frais d’eau et d’électricité sont bien à la charge du PCO
  • le rappel que l’autorisation d’occupation donnée au PCO est, comme le veut la loi, révocable à tout moment pour un motif d’intérêt général

En conclusion

Il est déjà arrivé à notre commune de prendre quelques libertés avec la loi (frais de mission, vente du camping municipal, déclassement de la place du Foirail, compte-rendu des délégations au maire, adoption de rapport sur table…). Ici, compte tenu de son objet et des clauses qui nous ont été révélées par la presse, la légalité de cette convention pose question. N’étant ni juge, ni chargé du contrôle de la légalité de la commune d’Oloron et des actes passés par ses élus, je vais me faire un devoir, en citoyen lambda soucieux des intérêts de notre collectivité, d’interroger Madame la sous-préfète sur ce dossier. Et ne manquerai pas de faire part aux lectrices et lecteurs du blog de sa réponse.

4 commentaires sur « Gestion des trinquets Guynemer : la convention passée par la mairie avec le Pilotari Club est-elle bien légale ? »

  1. Autre point quant à la gestion par l’association : a t-elle vu le côté fiscal de cette gestion (TVA et Impôt)….Il me semble qu’une association (si le PCO est sous forme associative loi 1901) est soumise à la fiscalité commerciale dès l’instant où elle exerce une activité économique.

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  2. Mes compétences et connaissances de la Chose Publique ont des limites, cependant je pense que vous avez omis de mettre en gras le « librement » dans la phrase extraite de l’article de Loi que vous citez : « l’autorité compétente organise librement ».
    Ayant été immergé pendant une belle poignée d’années dans une des DSP les plus complexes de France (et de Navarre…) – la DSP92, aka « Sarkofiber », ou plus exactement « THD Seine », le réseau très haut débit du Département des Hauts de Seine, j’ai appris que les textes de loi en général et les contrats de délégation de service public en particulier peuvent et doivent être lus et relus avec à chaque lecture un nouvel angle d’approche afin d’en tirer « la substantifique moelle ».
    Ici, le mot « librement » a toute son importance…

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    1. À mon sens, votre remarque ne change pas le fond de choses. L’extrait de loi que vous citez (« l’autorité compétente organise librement ») ne concerne pas les DSP, mais les conventions d’occupation du domaine public. Et, si on lit la suite de l’article de loi, il est bien spécifié que, si l’autorité compétente organise librement le procédure de sélection préalable, ce doit être dans des conditions « présentant toutes les garanties d’impartialité et de transparence, et comportant des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester. ». Rien de tel dans le cas qui nous préoccupe puisqu’il n’y a eu aucune procédure de sélection préalable réalisée dans ces conditions.

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