L’exemple d’une subvention qui ne dit pas son nom


Que les choses soient claires d’entrée de jeu : je n’ai rien contre Pierres Lyriques, une association navarraise (= de Navarrenx) qui s’évertue à mieux faire connaître et aimer l’art lyrique. La ville d’Oloron a décidé de lui faire une place dans sa programmation des Quartiers d’été 2017. Son chœur et son ensemble orchestral donneront (le verbe n’est peut-être pas, on va le voir, tout à fait approprié) le 12 août à la cathédrale la Grande Messe en ut mineur KV 427 de Mozart.

Chœur et ensemble orchestral s’étaient déjà produits en 2016, toujours à la cathédrale, toujours dans le cadre des Quartiers d’été, avec cette fois-là au programme le Requiem du même regretté Wolfgang Amadeus. Mais, contrairement à la majeure partie des animations de ces Quartiers, la prestation de Pierres Lyriques était payante. J’ai pu consulter la convention qui avait été passée le 10 mai 2016 entre le maire et le président de l’association afin de fixer les engagements des deux parties.

L’association s’engageait :

  • à donner une représentation du Requiem de Mozart le 20 août 2016 à 21 heures à la cathédrale
  • à prendre en charge les aspects techniques (projecteurs et caissons)
  • à consentir (le verbe est choisi)un tarif unique de 15 € pour cette représentation (« au lieu de 20 € comme appliqué en d’autres lieux ») et associer la ville d’Oloron aux publications liées à ce concert

La ville d’Oloron s’engageait de son côté :

  • à verser 2 500 € TTC à l’association Pierres Lyriques afin de l’aider à mettre en œuvre ce concert, étant bien entendu que l’association conservait en plus la recette de la soirée
  • à mettre à disposition de l’association les 2 salles de l’ancienne mairie afin que les artistes puissent se changer et se reposer
  • à mettre à disposition un technicien municipal pour l’installation de l’église et les branchements électriques

Qu’est-ce qui me fait penser que les 2 500 € constituent au moins pour partie une subvention qui ne dit pas son nom ? Étant précisé que le volet communication au bénéfice de la ville d’Oloron  (un logo minuscule coincé au milieu d’une dizaine d’autres au fond d’un flyer) est symbolique, si l’on considère que la « ristourne » accordée par l’association s’établit à 5 € par billet (15 € au lieu de 20 €), les 2 500 € de contribution communale correspondent à 500 spectateurs. Vous avez déjà vu, vous, 500 personnes envahir la cathédrale pour assister à un spectacle lyrique, spectacle pour lequel elles ont dû débourser qui plus est 15 € chacune ?

Donc une partie de la somme versée est tout bénéfice pour l’association puisqu’elle ne peut avoir consenti un rabais sur le prix du billet à des spectateurs qui n’étaient pas là pour les acheter. Ne correspondant pas à un service fait, elle peut donc être considérée comme une subvention.

Mais pourquoi, dans ces conditions, la commune n’a-t-elle pas décidé d’accorder en toute transparence une subvention de 2 500 € à Pierres Lyriques ?

  • Parce que le vote d’une subvention s’effectue en toute clarté, en séance publique du conseil municipal alors qu’ici tout se règle dans le cadre d’une convention dont peu de monde aura connaissance. Je ne dis pas que c’est illégal, mais ça permet d’éviter les questions qui fâchent.
  • Parce qu’il est plus compliqué de faire voter à un conseil municipal une subvention pour une manifestation payante… qui plus est en faveur d’une association extérieure à la commune

Dans le cas présent, n’eut-il pas été plus judicieux et plus transparent pour la commune de verser à l’association une contribution correspondant à 5 € par billet effectivement vendu pour le spectacle ? Ou de faire voter en début d’année une subvention de 2 500 € à Pierres Lyriques pour l’ensemble de ses œuvres en contrepartie d’un rabais sur le prix des billets lors des spectacles à Oloron ?

7 commentaires sur « L’exemple d’une subvention qui ne dit pas son nom »

  1. C’est d’autant plus scandaleux que je connais une autre association qui produit un concert gratuit pour une subvention annuelle de seulement 1300€

    J'aime

  2. l’art lyrique est assez spécifique, il faut bien le reconnaitre. le rendre populaire est assez difficile . Pour le « vulgariser » le mieux serait de faire l’entrée gratuite. Perso isn’t my cup of tea. Darjeeling 2012 bio of course 🙂

    J'aime

  3. L’art Lyrique, j’adore et j’admire (peut-être parce que je chante horriblement faux), mais je sais d’expérience que seuls ceux qui aiment déjà acceptent de payer pour aller voir et entendre un opéra. Alors, un concert, qui ne présente aucune action, aucun spectacle, est encore plus réservé aux amateurs.
    Donc, le rendre payant au milieu d’une programmation gratuite me paraît stratégiquement (et politiquement) une énorme erreur.
    a) parce que dans ce cadre, une représentation qui ne fait pas le plein, peut-être considérée comme un échec.
    b) parce que, si la seconde fois, les spectateurs ne sont à nouveau pas là, les questions sur la programmation « inutile » et son financement ne peuvent que se multiplier, ce qui n’est jamais bon pour une municipalité.
    C’est pourquoi je suis persuadé que, si on pense que un évènement lyrique est nécessaire dans le cadre d’un festival gratuit, il doit l’être également, quitte à ce que l’équipe municipale se fritte avec une partie des conseillers.
    D’expérience encore, même si, sur le moment, l’hypocrisie ou disons plutôt la discrétion, évite certaines difficultés, il est toujours plus payant, sur la durée (la réélection, par exemple) d’assumer ses choix.

    J'aime

  4. quand je dis que ce n’est pas ma tasse de thé je voudrais mettre un bémol 🙂
    il y a ce genre de prestation hallucinante d’émotion

    J'aime

  5. S:ans être méprisant pour les autres formes musicales ( groupes ,ensembles instrumentaux ,orchestres divers ) l’art lyrique est d’une autre dimension , d’un autre niveau ,d’une autre difficulté .Il faut donc aider d’avantage ces artistes qui doivent en passer par des années d’études et ,chaque jour ,par des heures de travail assidu avant de pouvoir se produire en public.Non seulement cela ne me choque pas de voir que la ville d’Oloron les « subventionne » (on peut toujours jouer sur les mots ),mais je souhaiterais qu’ils soient d’avantage aidés financièrement afin d’offrir leur prestation gratuitement comme d’autres .

    J'aime

    1. Mais une prestation gratuite m’irait très bien ! Ce que je relève dans le cas présent, c’est l’opacité de la manœuvre : la ville subventionne… sans subventionner officiellement. Autant faire les choses en toute clarté. Et la musique classique a tout autant le droit (pas plus, mais pas moins) d’être aidée que les autres formes de musique.

      J'aime

Les commentaires sont fermés.