Budget communal : des interrogations sur la sincérité de certaines dépenses


Lundi prochain, le conseil municipal va être appelé à approuver le compte administratif de l’année 2016. S’il l’approuve, il donnera acte au maire que l’ensemble des dépenses et recettes figurant dans ce budget sont sincères, c’est-à-dire qu’elles correspondent à des dépenses et recettes réelles, effectives. Comme la loi en donne la possibilité à tout citoyen, j’ai demandé la communication d’un certain nombre de factures payées en 2016 et des justificatifs qui y sont annexés. Et je suis allé de surprise en surprise. J’en livre quelques-unes aujourd’hui à la réflexion des lecteur d’Oloronblog. Car il y aura malheureusement d’autres épisodes.

Pour l’heure, j’ai seulement consulté les dépenses concernant les frais de restauration, et les frais de mission. Les frais de mission peuvent se définir comme les dépenses supportées par un élu dans le cadre d’une mission effectuée pour le compte de la commune (des dépenses comme l’utilisation du véhicule personnel, les frais de repas ou d’hébergement). Voici une première liste de mes premières interrogations à la suite de cette analyse. Certaines touchent à l’opportunité des dépenses et pourront donc paraître subjectives. En revanche, d’autres posent carrément question sur la réalité de la dépense.

Trop de frais de restauration ne sont pas ou insuffisamment justifiés

Plus de 160 factures correspondant à des repas ont été payées par la commune en 2016. Pour un montant global supérieur à 35 000 €. Elles concernent pour la plupart des repas pris dans tout ce qu’Oloron… et Lurbe comptent comme bons restaurants, ou réputés tels. La consultation en mairie de ces factures laisse pensif : nombre d’entre elles ne sont assorties d’aucun justificatif. On ignore donc si le repas avait bien un objet en rapport avec la commune. Et parfois ces factures non renseignées atteignent des sommes conséquentes. Qu’est-ce que, par exemple, que ces 18 repas pris le 12 juillet à midi à l’Alysson pour 656,20 € ? Ou les 3 repas pris au Chaudron le 25 janvier pour 221,20 € ? Ou ces 8 diners (Pintxos et champagne) consommés à La Cancha le 22 octobre pour 167,50 € ? Et j’en passe…. il y en a des dizaines comme ça.

Et puis il y en a d’autres dont l’intitulé est parfois bien imprécis. Je doute que les élus qui, en mairie, laissent passer ce genre de facture auraient la même légèreté s’il s’agissait de leur propre argent. Un exemple pour l’anecdote : a été réglée sans autre forme de procès la facture en date du 30 novembre émise par un restaurant de la place de la Résistance. Son détail tient en tout et pour tout à une simple ligne : « 6 repas : 640,50 € ». Pour un coût de 106 € par convives, il eut peut-être été un peu plus judicieux d’exiger une décomposition du prix. Le plus marrant c’est que ce repas a été organisée en l’honneur… de la sous-préfète d’Oloron, qui n’est bien sûr pour rien dans cette histoire.

La plupart des frais de mission ne sont pas justifiés

Intéressons-nous aux frais de mission concernant un élu municipal en particulier. Sur l’ensemble de l’année 2016, il s’est fait rembourser plus de 13 000 € pour l’utilisation de son véhicule personnel. Le tableau qui figure en fin d’article détaille ces missions qui lui ont toutes été remboursées sur présentation d’un « Ordre de mission » où il précise la date de la mission, son objet, le moyen de transport utilisé, s’il s’agit de son véhicule personnel, le nombre de kilomètres parcourus, les repas ou nuitées passées à l’extérieur. La règle voudrait que cet ordre de mission soit assorti de tous les justificatifs nécessaires (convocation, notes de restaurant etc.) qui permettent d’attester la réalité de la dépense. Pour cet élu rien de tel : on a l’ordre de mission, rien que l’ordre de mission.

Prenons connaissance du détail des missions effectuées. Nous avons affaire à un voyageur infatigable. Avec son véhicule personnel il roule, il roule. Qu’on en juge là encore sur quelques exemples : le 18 mars à Bordeaux, le 19 à Paris, toujours au volant de sa voiture. Le 12 mai à Saint-Gaudens, le 13 à Paris. Les 23 et 24 mai à Rouen, le 26 à Nîmes.

Le problème, c’est qu’à force de courir dans tous les sens on finit par se trouver à deux endroits en même temps. La consultation des ordres de mission qui figurent dans les archives de la mairie en atteste :

  • Notre élu se rend les 10 et 11 février à Paris pour une réunion avec un investisseur, mais ce même 11 février il déclare avoir fait le trajet aller-retour Oloron-Toulouse pour une rencontre avec de futurs investisseurs. Et dans les deux cas, il se fait rembourser le trajet aller-retour par la commune (565 € d’un côté, 124,80 € de l’autre)
  • Cet élu, ou, comme me le soufflait un ami, son hologramme, prend sa voiture personnelle pour se rendre à Paris les 2 et 3 juin pour, dit l’ordre de mission, une réunion et un déjeuner avec des investisseurs potentiels et se fait rembourser pour cela 626 € de frais de mission. Le hic, c’est qu’il est déjà dans la capitale à cette date : une autre facture montre que la commune lui a payé un billet d’avion qui l’a amené à Paris le 31 mai et l’en ramènera le 5 juin
  • Ce même élu se fait rembourser un peu plus de 300 € pour une mission qui a consisté en une rencontre avec le service urbanisme à Poitiers. Oui, mais voilà : ce même 9 juin lui, ou son hologramme, était à midi à l’Alysson pour un repas avec les représentants du groupe Coallia
  • Dernière collision de dates, le 16 février. Notre élu, toujours au volant, prend la route de Tours. Sa mission : rencontrer le service patrimoine de la ville. Il se fera rembourser 491 € de frais. Mais pour ce même 16 février, il se fait rembourser  60,16 € pour un déplacement aller-retour d’Oloron jusqu’à Bayonne afin de rencontrer des investisseurs potentiels. Incidente : c’est fou le nombre de ces missions qui ont consisté en une rencontre d’investisseurs potentiels. Fou, quand on sait que le développement économique n’est pas du ressort de la commune mais de la communauté de communes.

Mes recherches se poursuivent. Mais, il y a déjà là matière à bien des interrogations sur la sincérité de certaines dépenses. Compte tenu de ce qui précède, les élus municipaux vont-ils voter lundi les yeux fermés le compte administratif de l’an dernier (ce qui reviendrait à valider des pratiques qui, au final et bien sûr sous réserve d’investigations complémentaires, peuvent se révéler illégales) ou bien vont-ils se donner le temps de quelques vérifications ? Après tout, si le sujet les laisse de marbre, peut-être qu’il intéressera la Chambre régionale des comptes…

Tableau du remboursement de frais de mission dont il est question

22 commentaires sur « Budget communal : des interrogations sur la sincérité de certaines dépenses »

    1. Oui, le Trésorier a manqué de vigilance sur le coup. D’un autre côté, admettons qu’il ne peut pas tout voir.: un certain nombre d’autres frais de mission ont ainsi fait l’objet d’un rejet de sa part. Cela étant, à qui incombe la responsabilité première ? À celui qui établit l’ordre de mission ? À celui qui le valide ? À celui qui le contrôle ?

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      1. pour le trésorier manque de vigilance et examen de la chambre régionale des comptes aussi sur son travail…
        Pour les élus et leur hologramme détournement d’argent public. Effectivement c’est pas la même chose !
        Les élus n’avaient ils pas à leur disposition un véhicule de fonction ?

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  1. Vu les déplacements, il pourrait s’agir du premier magistrat ? Mais, blague à part,il n’y a pas de contrôle de gestion en mairie ?

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    1. L’avenir dira si la pioche est bonne la première question. Pour la seconde question-observation, je pense que l’occasion est maintenant toute trouvée de resserrer les boulons. Mais avant tout contrôle de gestion, il faudrait appeler les élus à un grand self-control dans le maniement des deniers publics

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  2. C’est impressionnant !
    Sur ce tableau, je remarque la régularité de cet élu qui a trois déplacements à Paris d’un montant totalement identique 520,32€, ainsi que deux à Nancy pour un montant de 1056,21€, c’est somme toute très curieux.
    Y a-t-il également des frais de costumes ? 🙂
    C’est affligeant et j’espère que la municipalité va s’interroger, car les oloronais ont vu leurs impôts augmenter dans le même temps…

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    1. Ces sommes s’expliquent :
      – les 520,32 € correspondent au calcul suivant : 1626 km AR Oloron-Paris en voiture x 0,32 € d’indemnité kilométrique (somme fixée réglementairement pour les trajet inférieurs à 2000 km. En l’espèce, l’élu n’a compté ni indemnité de repas (il a dû se rendre à la soupe populaire), ni indemnité d’hébergement (il a dû dormir dans son véhicule 🙂 )
      – quant aux 1056,21 € de Nancy, ils procèdent du même mode de calcul : 2166 km AR Oloron-Nancy x 0,39 (indemnité supérieure au-delà de 2000 km) + 6 repas à 15,25 € l’unité (somme fixée réglementairement) + 2 nuitées à 60 € (somme maximale autorisée réglementairement)

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  3. Et bien, si j’étais à la place de quelqu’un qui a fait cela et qui sait que cela va être passé au crible, je trouverai le moyen de me faire porter pâle pour le prochain conseil municipal, non ? (oui, remarque acerbe, je sais, j’assume, car vraiment, que les élus de son bord cautionnent ce genre de malversations, ça m’énerve grave ! Tous coupables !!!!))

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  4. Ca doit être parce qu’il use beaucoup nos routes de France qu’il veut une carrière de granulats 🙂 ! Je comprends mieux, il veut rendre à la communauté ce qu’il use (ironie).

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  5. Mais c’est incroyable?! Enfin, si c’est avéré, ça mérite une procédure non? Au minimum des explications publiques en Conseil Municipal. Merci en tout cas de nous informer de ces pratiques abusives (et indignes d’un élu, quel qu’il soit).

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  6. quelle bizarrerie de se choper 10 heures de route pour aller plaider un dossier à paris…Il doit être frais l’élu en arrivant…

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  7. une caissière se fait virer parce qu’elle a gardé les bons de réduction pour acheter de la nourriture pour ses enfants
    pendant que nos élus au niveau national comme communal tapent dans les caisses en toute impunité

    il n’y a pas de généralités à faire et heureusement mais cela laisse quand même songeur sur l’état de notre société…
    et pendant ce temps là les extrêmes progressent
    a qui la faute ?

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