L’art d’endetter la commune sans que cela paraisse… du moins dans l’immédiat

Le maire d’Oloron a fait de la réduction de la dette communale l’un de ses chevaux de bataille. Et, après avoir chargé la mule au cours de son premier mandat, il faut avouer que depuis près de 3 ans, même si c’est à grands coups d’augmentation de la pression fiscale, il remplit plutôt bien son objectif. Le prochain débat sur les orientations budgétaires de la ville d’Oloron sera sans nul doute l’occasion pour lui de ressortir les trompettes de la victoire. Pour autant, notre commune continue de s’endetter, mais sans que ça se voit. Il y a un truc. Ce truc s’appelle EPFL.

EPFL comme Établissement public foncier local. Au nombre d’une vingtaine en France, les EPFL sont des organismes publics qui ont pour mission d’assister les collectivités dans leurs acquisitions foncières et immobilières. À côté de leur aide en matière de conseil dans le domaine de la politique foncière, les EPFL se chargent, dans ce qu’on appelle un « portage », d’acquérir des terrains et/ou des bâtiments, à la demande des collectivités, en vue de les leur rétrocéder ensuite dans des conditions de délais et de coûts convenues à l’avance.

En clair, dans une première étape, c’est l’EPFL qui achète le terrain. Donc pas de frais immédiats (hormis des frais de gestion) pour la commune. Mais au bout d’un certain temps, la commune sera obligée de racheter le terrain à l’EPFL. Sur le plan financier, l’EPFL joue donc en quelque sorte le banquier de la commune. Et un banquier, ça ne manque pas de se faire rembourser. Quand une commune achète par le canal d’un EPFL, elle contracte donc une dette vis-à-vis de cet organisme. Mais cette dette n’apparait pas dans son budget. Elle y apparaîtra plus tard.

En 2016, la commune d’Oloron, après avoir fait appel à l’Établissement public foncier local Béarn Pyrénées l’EPFL à deux reprises, s’est ainsi endettée à hauteur d’un montant global de 530 000 € pour les deux opérations de portage suivantes :

  • L’acquisition de l’ensemble immobilier Remazeilles signée le 26/02/2016 pour un montant de 280 000 € et que la commune devra racheter au plus tard dans 4 ans soit en février 2020
  • L’acquisition du terrain Gilbert signée le 20/05/2016 pour un montant de 250 000 € et que la commune devra racheter au plus tard dans 6 ans, soit en mai 2022

Vous aurez observé qu’au vu des dates maximales de portage indiquées ci-dessus (février 2020 et mai 2022), et à supposer donc que la commune attende le dernier moment pour passer à la réalisation de projets sur ces terrains et immeubles, ce n’est pas la municipalité actuelle qui devra trouver les 530 000 € nécessaires à ces rachats, mais celle qui lui succédera en 2020. C’est bien une bombe à retardement qui est ainsi enclenchée.

En tout état de cause, l’opération coûtera à la commune bien plus que les 530 000 € indiqués ci-dessus. Il faudra en effet y  rajouter au minimum :

  • le montant des frais de notaire (c’est en règle générale de l’ordre de 8% du prix du foncier), soit 2 fois 40 000 €. Eh oui, 2 fois : 1 fois lors de l’achat à son propriétaire du terrain ou de l’immeuble par l’EPFL + 1 fois lors de la vente de l’immeuble ou du terrain par l’EPFL à la commune. En l’achetant directement, la commune aurait donc fait l’économie de la moitié des frais de notaire
  • la somme que l’EPFL fait payer à la commune pour la gestion du portage. Elle est de 2,5% du prix d’achat. Par an. Ce qui signifie que tant que la commune n’a pas racheté les terrains à l’EPFL, cela lui coûtera 7 000 € pour Remazeilles et 6 250 € pour le terrain Gilbert. 7 000 € + 6 250 € = 13 250 € dont elle n’aurait pas déboursé un centime si elle avait acheté directement les terrains
  • tous les autres frais (de géomètre, d’avocat, d’agence immobilière, impôts fonciers etc.) qu’aura pu ou pourrait engager l’EPFL pour l’acquisition ou la conservation des terrains

J’espère qu’à l’occasion du débat sur les orientations budgétaires qui devrait intervenir dans le courant du mois de mars, il se trouvera un élu pour interroger le maire sur ces deux belles opérations pour le budget communal. Et si cette interpellation pouvait intervenir au moment où le maire nous fera sa tirade sur la baisse de la dette communale, ce ne serait que mieux.

5 commentaires sur « L’art d’endetter la commune sans que cela paraisse… du moins dans l’immédiat »

  1. he oui! bien vu notre blogeur! en moyenne, un portage de 5 ans par un EPF , non seulement diffère (certains pourraient dire dissimule) la dette de 5 ans, mais en plus il provoque une augmentation de près de 25% du prix de vente du bien ( aller retour sur les frais dit de notaires et cout financier du portage a peu pres 2,5% par an). Est ce bien raisonnable dans une ville comme oloron ou l’immobilier ne se porte pas bien? De plus il existe une technique non couteuse pour gerer cela. Il s’agit de passer une deliberation sur un perimetre d’etudes sur la zone concernée ( elle peut durer 2 ans, renouvelable une fois) plus la durée d’instruction du permis qui aller jusqu’a un an. on arrive à cinq ans, sans engagement financier pour la ville, et sans augmentation du prix…..juste le financement de cette étude si elle est sous traitée. Mais comme chacun sait, quant on aime, on ne compte pas et notre premier magistrat aime sa ville et ses contribuables.

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  2. Et oui, encore un procédé d’endettement que la loi permet… je ne connaissais pas celui-là, juste les PPP.
    Mais comment des politiques peuvent laisser ce genre de stratagèmes légaux se mettre en place… Oui, je sais, ce sont des oligarques qui desservent l’intérêt général aux profits de grandes entreprises, on le sait… Et on fait quoi ?
    J’espère qu’un jour ils auront le retour de bâton… sous quelques formes que cela soit, j’en suis là pour ma part (hormis le vote pour le parti extrême oligarque qui dit être proche du peuple mais cautionne les mêmes dérives pourtant quand il arrive à la tête d’une ville ou par ses votes à Bruxelles).

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    1. oui vanessa, il y en a encore un autre que la ville utilisera sans doute. on donne une concession pour un projet à un operateur. celui ci emprunte pour realiser le projet à la place de la ville sur la base d’un business plan. mais c’est la collectivité qui garantie tout et donc si le business n’est pas au rendez vous, c’est la collectivité qui paie en comblant le deficit. En gros le risque commercial/ technique et financier est porté par la collectivité….de plus le projet peut prevoir des clients obligés, par exemple pour un reseau de chaleur, tous les batiments communaux , voire les logements sociaux…Et donc la aussi le prix de la prestation payé par ces clients obligés garanti le business du concessionnaire. En gros c’est tout le contraire de l’entrepreneuriat, pas de risque financier, un business assuré, tout ça au frais de la collectivité et/ou de l’usager final. Et parfois il peut arriver que lors de la realisation du projet, le concessionnaire fasse intervenir ses filiales en cascade pour realiser l’operation. Dans ce cas, les filiales peuvent prendre leur marge à chaque étage. La vie est belle! Mais la dessus, pas de democratie participative, on ne demandera pas aux citoyens s’ils sont d’accord et on ne leur decryptera pas le montage……Dans le privé on appelle cela du hors bilan , on faut porter les risques et les couts par une structure qui n’est pas consolidée.
      On peut esperer que la chambre regionale des comptes s’exprime , un jour, sur ce type de montage? Non pas pour les interdire, mais pour obliger à la transparence devant les citoyens avant la decision sur le projet. Malheureusement pour l’instant par exemple dans les PPPs, sous le pretexte de garantir le secret des affaires, la comlmunication publique des contrats est interdite.

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  3. Encore une affaire trouble du style  » subprimes  » ou  » emprunts à taux variables différés » , comme ceux qui ont défrayés la chronique régionale de la région Poitou- Charentes.
    Autrement dit :  » Achetez aujourd’hui’ hui, demain les autres paieront. »
    Sans citer personne, Ségolène Royal et son ancienne équipe dirigeante, sont une référence en la matière.
    Cela ressemble étrangement à des grenades dégoupillées placées sous les tapis du
    bureau du Maire à l’ attention du futur occupant, quel qu’ il soit, sans vouloir viser quelque’ un en particulier, qui risque de prendre sa place. On vit une époque furieusement formidable.

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  4. Et oui… Mais l’information existe là-dessus, mais elle ne circule pas. Que des petits maires se fassent avoir, je comprends… Que des maires de grosses communes plongent à tout va dans ces arrangements dispendieux et dangereux… je ne peux que y voir que de la malveillance ou une grave incompétence !
    Merci pour l’échange sur ces sujets, ça arrive que trop rarement
    🙂
    PS : là, je file pour une action locale contre le CETA … qui lui contient les mêmes genres d’arrangements… à l’échelle des continents… Si ce traité passe, l’endettement à venir de la commune paraîtra du pipi de chat castré…

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